Cette après-midi, comme tous les mardis après midi que le seigneur fait, je me suis rendu dans un lieu tenu secret du commun des mortels. Là dans l’ombre d’une ruelle, sous le porche d’une chapelle hors d’âge, j’ai retrouvé quelques membres d’une énigmatique confrérie : le
Club des Alopéctes . Sans vouloir dévoiler un secret que même le triste pantin Polichinelle serait incapable de tenir, il faut que vous sachiez la vraie nature de cette mystérieuse confrérie - tout du moins la plus faiblement dissimulée de ses activités, le reste est indicible, plus secret et choquerait le bourgeois-. Voilà donc ce mince secret ! Nous
alopéctes, car je suis des alopèctes, avons pris la bonne habitude de convoquer les esprits tous les mardis après-midi que le seigneur fait ! Malgré pour certains une calvitie prématurée , malgré le cocasse
dix neuvièmiste de la chose, nous rentrons dans la petite chapelle flétrie évoquée plus haut. A l'intérieur de cet abris hors d'usage, qui n'est plus des saints, nous invoquons les esprits, les esprits nous répondent et les tables tournent. Comme nous ne sommes pas plus hydropathes que ça, nous ne convoquons pas n’importe quel esprit. Cette après-midi par exemple c’était le très
white trash, jeffrey Lee Pierce. Je retranscris stricto-sensu notre rencontre avec l’animal, vous me permettrez de m’excuser d’avance quant à la vulgarité de ce
verbatim là.
- Alors, après le blues et la country, c’est le jazz et la mort ?- Hein ! quoi ! Qui me parle bordel de merde !
- Nous disions le jazz et la mort, le jazz ou la mort, les deux ?- Et pourquoi pas Santana ou John McLaughin tas de cons ! Savez pas plutôt du bourbon ?
- Oui certes, mais vivant vous partagiez à l’instar de Tom Verlaine un amour prononcé pour Coltrane, non ?- Ah les poètes ! Mon cul les poètes ! Il est évident j’ai plus écouté Trane que cette fiotte de Verlaine ! Maintenant c’est Jimi Hendrix, un voisin de palier. Dites savez pas du bourbon ?
-Oui un moment jeffrey Lee, du calme Jeffrey Lee. Une autre question. Au club des alopéctes nous apprécions beaucoup John Cipollina est-ce aussi votre cas ?- Hein ! Quoi ? Apolèctes mon cul ! Quicksilver ouais ! pas mal morveux, mais pas grand chose. Moi ce que je voudrais c’est faire couiner ma guitare comme un saxo, comme du Albert Ayler, t’vois petit con.
- Hum, hum, laissons le jazz ! Vous étiez l’un des derniers groupes de rock authentique ?- Ouais pour sur ! Le rock il est crevé de tous ces types qui se prennent terriblement au sérieux, tous ces Howard Devoto. C’est pas de l’art qu’ils font ces cons là, rien de tout, même pas un pet foireux de lapin. Ils veulent toucher à l’émotionnel mais leur truc est tellement forcé que vraiment y a rien dedans... Quelqu’un comme Nick Cave, oui, il montre bien quelle bande de trous-du-cul sont ces mecs : des homos coincés et poseurs, hyper-intellectuels, ce qui les rend paranos et névrosés. Ils ne pigent rien au rythme, et donc au rock’n’roll. Des connards académiques fascinés par l’Europe d’avant-guerre. Leur ultime fantasme aurait été de vivre dans le Berlin de la montée du nazisme. Le mien, ce serait plutôt de découvrir Tahiti et les Tahitiennes.
- Oui mais à présent Howard Devoto malgré son inquiétante alopécie, tout vivant qu’il soit n’est plus grand chose, alors que vous Jeffrey Lee…C’est à ce moment précis que notre esprit, soudainement conscient de son bien possible trépas, se mis à émettre moult borgborismes, réclamant à boire, à sniffer et chose incongrue la chatte à Debbie Harry ! N’ayant que la chatte à Bubulle à lui présenter vous comprendrez pourquoi il était alors nécessaire de stopper cette littérale retranscription.